6 décembre 2011

L'exil et les femmes : rencontre avec Pinar Selek

Quelques nouvelles qui nous viennent de Lezstrasbourgeoises dont nous relayons le texte : une rencontre avec la militante Pinar Selek ce vendredi 9 décembre à 17h à la salle de la Bourse à ne pas manquer !!!

Pinar Selek, écrivain, sociologue, militante féministe, LGBT, pour les droits des minorités et anti-militariste, qui subit une répression politique depuis 13 ans en Turquie, vit depuis peu en exil à Strasbourg. Dans le cadre du Festival Strasbourg méditerranée, elle interviendra dans une rencontre sur le thème : Femmes et exil. C’est l’occasion de faire sa connaissance et de lui faire bon accueil puisqu’elle est désormais notre hôte à Strasbourg.

Pinar Selek, écrivain et sociologue, est également militante féministe, LGBT, pour les droits des minorités (Kurdes, Arménien-ne-s, Grecs/ques, Roms, enfants des rues, travailleuses du sexe, etc.) et anti-militariste en Turquie. Elle a entre autre co-fondé l'association féministe Amargi* à Istanbul qui est très active et qui a créé un des premières librairies féministes en Turquie. Elle est rédactrice en chef du journal féministe édité par Amargi. Elle a également mené des initiatives très intéressantes à Istanbul telles que des ateliers artistiques de rue, menés avec des enfants des rues, des trans' et des travailleuses du sexe. Dans le cadre de son travail de sociologie elle mène des recherches sur des questions liées aux discriminations et à la guerre. Elle développe une conception originale de la sociologie selon laquelle une recherche doit aboutir à une implication concrète auprès des personnes enquêtées. Elle a également écrit des romans et des nouvelles témoignant de son expérience ainsi que des contes pour enfants inspirés des histoires qu’elle a racontées aux enfants des rues. Ses travaux en tant qu’intellectuelle et son engagement politique sont indissociables.

Depuis 13 ans, Pinar Selek subit une persécution en Turquie : emprisonnement, torture, harcèlement judiciaire, elle risque actuellement la prison à vie et son prochain procès a lieu à Istanbul le 7 mars 2012. Cette persécution ne l’a pas réduite au silence : elle a continué à écrire, à militer, à faire des recherches sur des questions taboues, telles que par exemple la répression des trans’ ou la construction de la masculinité dans l’armée, dans une perspective critique, féministe et anti-militariste. A l’origine de cette persécution, ses recherches sociologiques sur les mécanismes et les conséquences de la guerre au Kurdistan, qui ont été confisquées, et le fait qu’elle ait eu des contacts avec des militant-e-s Kurdes exilé-e-s en Allemagne et en France, dans le cadre de ses entretiens avec les différentes parties du conflit. Le motif officiel de son inculpation et de l’acharnement judiciaire qui sévit contre elle depuis 13 ans : elle aurait posé une bombe, fabriquée dans les ateliers artistiques de rue, qui aurait fait exploser le marché aux épices d’Istanbul en 1998. Tous les rapports d’experts ont établi qu’il n’y avait pas eu de bombe et que l’explosion était due à une bonbonne de Gaz. Bien que Pinar Selek ait déjà été acquittée 3 fois, les jugements ont à chaque fois été cassés et les procédures relancées. Cette longue série de procès résulte aussi de forces antagonistes dans les instances juridiques en Turquie : d’une part des tribunaux avec des juges attachés à la notion de justice et de droit, de l’autre des instances menant une répression politique. Cette affaire est devenue en Turquie un enjeu démocratique qui mobilise un grand nombre d’avocats et toute la société civile, parce que c’est la liberté d’expression et d'opinion qui est en jeu. Parce qu’il existe aussi de réelles forces démocratiques en Turquie, tant dans la société civile que dans certaines institutions, les livres de Pinar Selek n’ont pas été interdits et ses recherches sociologiques sont actuellement beaucoup étudiées dans les universités turques.

Pinar Selek est contrainte de vivre en Exil depuis plus de 2 ans. Elle a d'abord vécu à Berlin et vient de s'installer à Strasbourg pour faire une thèse de sociologie sur les mouvements féministes et LGBT en Turquie. Elle est donc désormais notre hôte à Strasbourg et il nous appartient de lui faire bon accueil et de faire en sorte qu’elle puisse se sentir chez elle ici. Il nous appartient aussi de nous solidariser avec elle dans son combat. Mais c’est surtout une chance de l’avoir parmi nous : Son expérience, tant de chercheuse et d’artiste que de militante est très riche. Elle peut également beaucoup nous apprendre sur la société civile turque qui est très dynamique, et sur les mouvements, associations et intellectuel-le-s turcs/ques engagées dans les luttes contre les discriminations. Tout particulièrement sur les mouvements féministes et LGBT qui sont très importants et actifs en Turquie, mais aussi sur l’extraordinaire solidarité qui existe entre les différents mouvements de luttes, ce pour quoi en France nous sommes beaucoup moins doué-e-s.

Le vendredi 9 décembre à 17h à la salle de la Bourse, elle interviendra dans de cadre du Festival Strasbourg Méditerranée, dans une conférence sur le thème de l’exil et des femmes.
 Elle proposera entre autre un très beau texte sur l’exil. Ce sera l’occasion de faire sa connaissance et pourquoi pas de rejoindre son comité de soutien...

« Les Juifs sont de ceux qui ont fait l'expérience de l'exil d'une manière très lourde. Il y a un musée juif à Berlin avec un monument dans la cour. Le Monument de l'Exil. Des routes qui sont séparées les unes des autres par des murs, des routes qui arrivent les unes dans les autres comme un couloir...Vous y entrez et vous avez le vertige. Vous faites quelques pas et votre esprit devient flou. Son calcul mathématique est construit de telle manière que le sol est penché; les murs sont penchés...lorsque vous commencez à marcher, vous perdez votre équilibre. Vous ne pouvez pas sentir le sol sur lequel vous marchez et vous ne pouvez pas sentir les structures qui vous entourent. Ceci peut être apparenté à l'inaccoutumance. Cette petite expérience de vertige et de nausée, peut très bien nous indiquer ce qu'est la psychologie de l'exil. Vous ne maîtrisez pas le sol sur lequel vous êtes debout, c'est comme s'il était penché. Vous ne savez pas ce que vous pouvez faire avec les gens, les institutions et les structures qui vous entourent. C'est comme si tout était incliné. C'est une mauvaise sensation. »

(Pinar Selek « Loin de chez moi… mais jusqu’où » 2010)

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