17 mars 2012

Vous avez dit « IVG de confort » ?

Marine Le Pen a récemment déclaré vouloir cesser les remboursements des « IVG de confort ». L'expression, et l'intention, en auront choqué plus d'une, et avec raison. En quoi un avortement pourrait-il être confortable, ou destiné au confort ? J'ai décidé de ne pas laisser pas cette pauvre Marine Le Pen engluée dans son ignorance crasse : elle fait déjà assez de mal comme ça.

D'abord, son compagnon Louis Alliot a défendu la notion d'« IVG de confort » en arguant qu'elle était médicale et qu'elle lui venait d'un professeur, le Dr Grégoire Moutier : vrai et faux. L'expression existerait bel et bien mais elle est utilisée dans les milieux médicaux anglo-saxons pour désigner les avortements des fœtus malformés. Par ailleurs, le Dr Moutier n'est pas professeur – c'est lui-même qui le fait remarquer –, il se dit militant en faveur de l'IVG et déclare dans Le Monde que ses propos sur l'IVG de confort, dits dans une interview donnée au Figaro, ont été sortis de leur contexte, déformés et instrumentalisés par le FN, et qu'il n'aurait jamais cru être utilisé par ce parti. Je propose donc que, puisque cette instrumentalisation a été faite pour le confort du FN, on la rebaptise « instrumentalisation de confort ».

Ensuite, avant d'ouvrir la bouche à tort et à travers, sans savoir de quoi elle parle, Marine Le Pen ferait bien de s'informer des causes des IVG et des catégories les plus touchées, cela lui éviterait de dire qu'« il y a des abus dans ce domaine » et que certaines « exagèrent » (L'Express, 9 mars 2012). Comme si les femmes qui avortent s'offraient un caprice, une folie, une gourmandise, comme on reprend une tranche de rôti alors qu'on en a déjà mangé cinq. Comme si ces femmes se disaient : « Oh et puis zut ! J'ai trop envie d'avorter ! Je vais exprès tomber enceinte, comme ça je pourrai revivre cet exaltant moment qu'est l'avortement ! »
Il est ressorti au forum du 7 mars 2011 sur l'IVG, présidé par Israël Nisand, que les mineures et les 18-25 ans sont les seules tranches d'âges où l'IVG est en hausse continue. Israël Nisand a déclaré que la cause en est à un manque aberrant d'éducation sexuelle, malgré la loi du 4 juillet 2001 qui fait de l'éducation à la sexualité à l'école une obligation légale. La faute à qui ? A la morale, aux parents, aux lobbys religieux, mais aussi à une absence de volonté politique dans ce domaine. Autant dire qu'à vouloir ignorer que les adolescentEs ont une sexualité, on les pousse à l'avortement ou à la grossesse non désirée. D'autre part, Israël Nisand préconise un accès anonyme et gratuit à la contraception, sans que les parents soient informés par la Sécurité sociale. Pour le moment, seuls les ados qui se rendent dans les Plannings familiaux en bénéficient, mais c'est largement insuffisant et discriminant pour tous/toutes ceux/celles qui sont excentréEs et mal informéEs. Israël Nisand pointe d'ailleurs avec justesse une contradiction notoire : « L'IVG est anonyme et gratuit, la pilule du lendemain est anonyme est gratuite, mais pas la contraception. » Quand il ajoute « On marche sur la tête ! », on est bien d'accord avec lui.

Pour finir, ajoutons que dérembourser l'avortement est non seulement revenir sur un acquis très important pour que les femmes puissent s'appartenir en propre, mais aussi que c'est ajouter une inégalité à un monde qui en a déjà assez comme ça. Car à quoi cela va-t-il conduire ? Celles qui auront les moyens d'avorter avorteront, et les autres… les autres devront voler pour pouvoir payer ? Nombreuses seront mères contre leur gré. Et on sait assez qu'un rouage d'injustice sociale en entraine facilement d'autres à sa suite, créant un destin social des plus sombres.

Maintenant que voilà la candidate Le Pen instruite, on lui saurait gré de cesser de faire polémique sur un sujet qui a fait couler bien plus de sang que d'encre. Qu'elle pense aux poires en caoutchouc, aux canules, au savon et aux aiguilles à tricoter qui ont torturé trop de femmes. Elle leur doit le respect de ne pas toucher à un droit difficilement et tardivement acquis : celui de ne pas être punie d'avorter.

Virginie

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