24 avril 2011

Jusqu'où iront-ils ?

Je me rends à Paris pour le week-end. Je rejoins ma copine et je suis impatient de la voir. Je suis également heureux de passer du temps dans cette ville. Paris, ville dont j’aime la culture, son histoire, ses monuments, ses musées, les gens que j’y rencontre…
En sortant du train, je me dirige vers le métro. Comme à l’habitude, les couloirs sont tapissés de publicités. Habituellement, je n’y prête pas grande attention même s’il m’arrive de m’attarder devant des affiches de concerts, d’expositions… (Je dois dire que les affiches de film sont généralement celles que je regarde le moins.) Mais ce soir là, mon regard a été capté par une pub pour un film.


Une affiche d’environ un mètre sur trois.
À l’extrémité gauche et au premier plan, une femme. Ou plutôt, devrais-je dire LE CUL d’une femme. De mi-cuisse jusqu’au milieu du dos. On est face à une paire de fesses en gros plan et presque nues (une culotte les couvre tout juste).
Au deuxième plan, deux hommes - dont on voit cette fois-ci les visages, leurs regards -, fixent justement cette paire de fesses, ou plutôt le sexe de cette femme, puisqu’ils sont tous les deux face à nous (et à elle, qui nous tourne le dos). L’un a un petit sourire au coin, l’autre a la bouche et les yeux grands ouverts.
Ce n’est pas tout.
En bas à droite de l’affiche, le titre du film. Je me suis dit que c’était impossible, que j’avais mal lu, mais non : « B.A.T. BON À TIRER ».

Je ne me suis pas arrêté, mais j’ai eu le temps de tout balayer du regard. De tout voir. J’étais complètement consterné. J’ai tout de suite pensé à ma copine, à son combat féministe, à nous deux. J’ai été touché dans mon intimité, ou plutôt complètement agressé par la violence de cette image.
Tu la croises du regard une fraction de seconde et cela suffit à t’accrocher. Tu ne peux pas l’éviter. J’aimerais que quelqu’un-e me dise « Mais qu’est ce que tu racontes ? C’est juste toi qui est un obsédé ! Moi je n’ai jamais vu cette image ! », mais personne ne peut la nier. Non seulement, parce que l’affiche est immense, mais aussi parce que ceux (j’ose espérer qu’aucune femme n’a participé à la conception) qui ont conçu cette affiche savent très bien comment attirer le regard. Une fois de plus (je pense notamment aux pubs Aubade), ils ne se sont pas empêchés de manipuler nos désirs. Nous en avons tou-te-s et ils se permettent d’en faire de vulgaires pulsions animales. Bêtes et sales.
En dehors du fait qu’ils aient l’air complètement niais, ces deux personnages masculins illustrent très clairement l’image des hommes qu’ont les concepteurs de l’affiche et plus globalement, les producteurs/réalisateurs de ce film : LES HOMMES SONT DES PORCS. Par un jeu de miroir, on voudrait nous faire croire que nous réagissons tous comme cela, que nous sommes tous des demeurés, esclaves de notre bite (excusez la violence de mon langage, elle est à l’image de ce que j’ai ressenti.)

JE NE VEUX PAS ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME CELA !

« Bon à tirer. »
Une femme est une fois de plus réduite à son postérieur. En plus, ils ont ajouté ce titre immonde, même si l’image parle d’elle même. Histoire de pousser la métaphore jusqu’au bout, le biquini est rouge, comme la cible d’un taureau dans l’arène. Nous serions tous des taureaux qui n’aurions qu’une envie : foncer droit dans le… mur.
Cette femme serait juste un corps bon à satisfaire les désirs de ces hommes, un cul, une chose, bon-ne à tirer. « B.A.T. » Dès aujourd’hui, le passant pourra se servir de ces initiales pour parler de quelqu’un-e. Ils font des relations sexuelles (sans parler du fait que cette image soit hétéro-normée) quelque chose de vulgaire. Ils font du corps des femmes un objet marchand. Les relations sont à l’image d’échanges marchands : « Tu as un beau cul, tu es bonne à niquer ! » Il ne s’agit plus de rencontrer une femme ou de « faire l’amour » avec elle. Les femmes sont offertes en pâture.

Je viens à Paris pour passer un weekend avec une femme que j’aime et que je respecte et on m’impose ces images. Au nom de la liberté d’expression, on se permet d’imposer ces images aux hommes, aux femmes, aux enfants… à tous les passant-e-s. Ces images de corps de femmes-objets et d’hommes dominants, réduits à leurs instincts, sont banalisées. Elles font partie du décor. On nie d’une part, leur caractère pornographique. (Je ne suis pas contre toutes les images pornographiques, mais je ne veux pas qu’on m’en impose à chaque coin de rue. Je suis contre la pornographie généralisée.) Et surtout, on nie leur caractère sexiste !

Comment peut-on accepter qu’une telle affiche soit placardée dans tous les couloirs du métro ? Sur les bus et arrêts de bus ? Dans toute la ville ? Paris, une ville de culture ? La culture sert pourtant à s’écarter de cette « animalité ». Bien sur, je ne nie pas le fait que cette affiche se propage dans toute la France, mais à Paris, je crois que c’est le pire. Pas une station de métro sans cette affiche…
Pourquoi sommes-nous obligé-e-s de supporter ces images ?
Qui accepte/décide de nous imposer cela ?
N’y-a-t-il pas d’instances en mesure de censurer ces pubs sur la voie publique ?
De nombreuses associations se mobilisent contre les publicités sexistes. Mais cela ne suffit pas. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision sont bien sur Warner Bros (distributeurs du film), mais aussi ceux qui nous gouvernent. Le marché et l’argent permettent de plus en plus à ces idées phallocratiques et sexistes de se propager, de triompher.
Pour les combattre, nous devons rester mobilisé-e-s ! Hommes et Femmes !
Bon nombre d'affiches ont été arrachées, ou recouvertes de slogans antisexistes, surement par des personnes en colère comme nous. On nous reprochera surement de ne pas être allé-e voir ce film, mais nous avons regardé la bande annonce. Elle ne fait que confirmer ce que l’image nous a inspiré.

Jérémie et Morgan

14 commentaires:

  1. J'ai l'impression que votre réaction est réductrice. Il ne s'agit pas ici de vendre des culottes ou de défendre un point de vue (qui ne serait pas défendable, car sexiste) d'une certaine perception de la femme. Il s'agit ici d'attirer l'attention de potentiels spectateurs sur un film donc sur une oeuvre artistique, laquelle vise nécessairement, aussi modestement ou maladroitement que cela puisse être, de faire passer des émotions et par effet secondaire de faire réfléchir, chez ceux chez qui cela sera possible, non pas seulement par intelligence mais par ouverture d'esprit. Pour avoir vu la bande-annonce du film, je n'ai pas été choquée par ce qu'elle me faisait percevoir de celui-ci. Le souvenir que j'en ai, c'est celui de deux types passablement niais (je reprends ici le vocabulaire que vous inspiraient leurs sourires), croyant être blasés par le mariage et la routine de celle-ci, croyant être attirés par une consommation sans engagement de femmes qu'ils ne prendraient que comme objets sexuels comblant leurs désirs....et qui, exprimant cette croyance, se voyaient mis face à la possibilité de tenter de combler ces désirs: leurs propres épouses leur donnant leurs permissions de s'adonner à la réalisation de ces désirs pendant une semaine. Et je vois là non pas un film sexiste, mais un film qui tente une réflexion sur les relations hommes-femme, l'identité masculine, les relations amoureuses, les sentiments qui lient les hommes et les femmes unis par le mariage, ou plus généralement par une relation de couple. Je pense que dans la relation de couple, il faut trouver un juste milieu entre le sentiment d'être libre ou impliqué. Et se rappeler parfois qu'on est libre, que jamais rien n'est acquis, qu'on n'appartient pas à l'autre mais qu'on s'offre à lui parce qu'on le veut, se rappeler qu'on est libre, cela permet de vouloir de façon neuve et renouvelée, être impliqué. Je pense que dans ce film, lorsque les épouses donnent à leurs hommes une liberté hors normes (que je ne donnerai jamais au mien dans la réalité :) ;) ) , elles les mettent en situation de prendre conscience que leurs désirs ne sont peut-être intéressants que s'ils sont inassouvis, que leur intérêt ne subsiste peut-être que s'ils ne sont que désirs. Et je pense que l'identité masculine est ici interrogée. Est-ce cela un homme? Est-ce un être qui (-plus que la femme? -autrement?) désire l'autre sexe d'une façon consommatrice?
    Bref, l'affiche est-elle condamnable si elle incite des spectateurs potentiels à voir un film qui les fera réfléchir sur les thèmes que j'entrevois dans le film?

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  2. Contactez http://www.arpp-pub.org/

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  3. Explication du titre du film : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bon_à_tirer_(B.A.T.) (ça ne change rien à l'affiche, je sais)

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  4. Ne vont nulle part, justement, restent où ils en sont (et c'est pitoyablo-dégueu). Mais qui va quelque part aujourd'hui ?... Et où (il ne suffit pas de "bouger" pour que ce soit vers quelque part de bien)? Voilà la question que nous ne nous posons sans doute pas assez...

    Plume

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  5. Bon, je viens de unliker les Poupées en pantalon sur Facebook.

    Pourquoi ? Parce qu'on y a apparemment effacé sans débat des remarques factuelles que j'y ai faites en commentaire sur l'intrigue, à première vue plus complexe qu'une simple "blague" sexiste, de ce film (lire http://en.wikipedia.org/wiki/Hall_Pass ). Film dont l'affiche états-unienne originale ne montre d'ailleurs même pas de femme, ce qui laisse supposer que l'affiche sexiste incriminée (et le titre français du même acabit) est du seul fait du distributeur français de ce film.

    Je suis tout à fait pour que ce sexisme flagrant soit dénoncé et attaqué, mais je prends cet effacement de lmes commentaires factuels (et donc de suggestions de débat constructif) comme de la censure à base idéologique, chose à laquelle je suis hautement allergique, surtout dans un contexte militant.

    Dommage, mais tant pis : si les Poupées en pantalon préfèrent prendre une posture de lamentation collective au lieu de vérifier les faits avant de construire une riposte activiste, je les laisserai faire ça toutes seules, car je considère cela comme contre-productif a toute avancée dans les luttes antisexistes. Un peu moins de communautarisme et un peu plus d'autocritique ne feraient certainement pas de mal aux Poupées, et à l'activisme féminste/antisexiste en général.

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  6. " mais un film qui tente une réflexion sur les relations hommes-femme, l'identité masculine, les relations amoureuses, les sentiments qui lient les hommes et les femmes unis par le mariage, ou plus généralement par une relation de couple."

    Permettez moi d'être dubitative devant le réel sens du film .. Cela reste une vision ultra-machiste de la relation homme-femme, car ce sont les hommes qui ont le BAT (sic) par leurs femmes..
    A quand l'inverse ??

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  7. Bon, je me suis trompée : Les Poupées en pantalon n'ont en fait pas censuré mes commentaires sur leur page Facebook, car j'ai fait ces commentaires sur le mur d'une de leurs membres, où ils se trouvent toujours, pas sur le leur. Confusion due aux joies de l'éparpillement des commentaires qui arrive vite sur Facebook quand on est plusieurs à partager des articles. Je demande donc pardon aux Poupées de mes accusations injustifiées.

    Cela dit, je maintiens mon conseil de ne pas rester dans le ressenti face à cette affaire et de rechercher en détail qui est responsable de cette affiche et de ce titre de film sexistes, apparemment spécifiques à la distribution du film en France. Je pense qu'il serait utile de trouver et nommer les responsables. Et qu'il serait utile aussi de regarder ce film, afin de savoir s'il est finalement sexiste ou non, ce qui ne semble pas certain à lire le résumé de l'intrigue ( http://en.wikipedia.org/wiki/Hall_Pass ). Il vaut mieux être précisES dans nos luttes.

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  8. Marquise Olympua27 avril 2011 à 09:14

    Bon, alors, j'ai vu ce film.
    C'est tout bonnement abject et sexiste et je m'explique. On nous présente allègrement les relations comme tout d'abord forcément homme versus femme.
    In facto, nous sommes face à plusieurs situations, malgré un modèle ambiant et bien sage de couple hétéro normé, il se trouve qu'on trouve des couples lesbiens, gay, trans, porly amour, libertins, des gens en relations libres, amis, amants. Soit. Qu'on nous parle de la fameuuuuuuuse relation hommefemme sans cesse, ca m'emmerde déjà, mais encore + comme nous sommes représentés comme deux cases bien distincts.
    C'est toujours le même refrain : la femme est l'être romantique fleur bleu, possessif, qui pense engagement, mariage, gosses, et fait moi ci, fait moi, mais ne me trompe pas, sinon tu m'aimes pas gros pervers.
    L'homme est le gros débolis, l'ado attardé qui a trouvé un plan q régulier sous l'égide du mariage mais a des envies sexuelles.
    Ici c'est tout ça, c'est le cliché tiré 10, 100, 1000 fois pires que ce que j'ai jamais lu. Qu'en gros, nous les feeeeeeemmes sommes des petits êtres choqués à la moindre branlette de l'homme : pour preuve, il y a une scène où l'un des personnages se masturbe dans sa voiture, et où sa femme lui fait une scène. Le comportement des deux est typiquement celle d'un gamin boutonneux face à sa mère, et la mère moralisatrice qui tape sur les doigts du vilain bonhomme.

    Ce film est desperant de par son thème. Par sa manière qu'il a d'entretenir les clichés pures et dures. Il est sexiste pour les deux, car le sexisme TOUCHE les "dexu" sexes.
    Il encadre la femme dans une idée de possessivité, de jalousie maladive, de fleur bleu indéniable. Forcément, une femme ça ne se touche pas, ca ne regarde pas de porno, ca ne se touche pas devant un porno, ca ne veux pas avoir des relations sexuelles avec son mec/ sa nana mais aussi d'autres personnes, non c'est guindée, coincée et chiante. Et castratrice forcément.
    Déjà, ca c'est choquant.
    Et forcément l'homme est un vieux porc libidineux qui a des envies sexuelles, est forcément à passer sur la chaise electrique s'il se masturbe ou cherche à copuler ailleurs, est le dernier des enfoirés s'il ne promet pas la sacro sainte fidelité religieuse à sa "princesse". De surcroit, c'est un ado un peu débile qui a une femme / mère, on ne sait jamais, il est tellement imprévisible oh oh oh...
    Je ne comprends pas les "hommes et femmes" qui acceptent encore ces carcans débiles et rétrograde de femme/princesse/fashionaddict/ consommatrice écervelée/ jalouse possessive (et revendiquée) et encore moins les hommes qui se justifient par des "besoins" sexuels/attarde ment boutonneux / petite chose lâche et débile.
    Franchement, tout ça m’écœure.
    Je suis pro sexe à fond. Mais je ne pense pas que nous présenter comme l'un le vieux porc (parce que le sexe n'oublions pas est un acte dégueulasse et les hommes forcééééééément aiment les choses dégueux...j'apprécie tout les jours des femmes dire que les hommes sont pervers, rendez vous compte de ce que vous dites merde !!!) et l'autre la capricieuse princesse addict aux chaussures et consolant son besoin sexuelle non assumée par la possession d'un mec arrange les choses.
    En tant que "meuf" je suis choquée de voir à quoi je devrais ressembler. En tant que mec, je serais choquée également. En tant qu'être humain, tout ça me dégoutte. Sans compter que ca va faire rire. Qu'il y a des gens qui vont prendre tout ceci au 1er degré. Bref. A gerber.
    Mais qu'on ne vienne pas me dire qu'après ça le porno traite les femmes comme de la merde quand ce genre de film est dix fois plus pire et fourbe qu'une gonzesse de chez Dorcel qui s'assume et revendique son droit à jouir plutot qu'à se faire passer pour une consomatrice effrénée.

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  9. Et le 1er commentaire est emplit d'une bêtise monstrueuse. PUtain, il n'y a pas de "rêgles HOMMES FEMME !!!" Mais c'est comme si je disais "blanc noir !" ! Cessez de pensez en genre bon sang !

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  10. cacherlesfesses30 avril 2011 à 03:13

    D'autant qu'il est évident que le bras droit du premier homme est dirigé vers le sexe de la femme... je n'ose pas imaginer ce que les concepteurs de l'affiche avaient en tête ! évidemment, connaissant leur triste fonctionnement mental, ils pensaient à un enfonçage de gode, je suppose... comme ces gens sont dangereux... allez, je retourne m'allonger dans mon lit tellement je me sens mal à l'idée qu'il existe tant de débauche hétéronormée sur notre belle terre à protéger, si on le peut encore, des méchants.

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  11. lapetiteiroquoise6 juin 2011 à 04:45

    J'ai une question un peu à côté du débat : pourquoi cette affiche est pire à Paris qu'ailleurs en France ? L’œil du Parisien serait-il plus sensible et esthète que l’œil du Provincial ?

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  12. Je ne crois pas que l'endroit de l'affiche soit en question dans cet article. C'est seulement que les deux auteur-e-s l'ont vu dans le métro...

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  13. Un bel article sur la bêtise de la communication ou la simplicité du cerveau masculin (cible de ce type de film).

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  14. Véritable réussite marketing, en croisant cette affiche dans le métro, j'ai été tellement estomaquée que j'ai pris le temps de m'arrêter pour la regarder.
    Très très agacée par ce que je voyais, j'ai arraché le postérieur flottant, on m'a regardé bizarrement, mais c'est pas grave.
    Bref, je me suis jurée de ne JAMAIS ALLER VOIR CE FILM! Je me suis fait un plaisir de parler partout autour de moi de cette affiche abominable en disant que vu l'affiche le film devait être un gros navet. j'ai bon espoir d'avoir dégouté quelques spectateurs potentiels...

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