17 septembre 2011

Y-a-t-il trop de femmes dans l'éducation nationale ?


Voici la question qui faisait office de titre - tout à fait neutre – à la revue de presse de l’émission de Frédéric Taddei « Ce soir ou jamais » (JAMAIS !!!)  du mardi 13 septembre 2011. 

Cette discussion tout à fait remarquable faisait suite à un débat qui semble animer les pages de quelques grands titres de presse ces dernières semaines. En effet parmi tous les sujets que l’on pourrait choisir d’aborder à propos de l’école, l’un semble particulièrement agiter l’opinion : il s’agit de la moins bonne réussite scolaire des garçons par rapport aux filles. Je m’étonne que les fermetures de classes et autres réductions de postes ne perturbent pas davantage nos journalistes et penseurs mais admettons. On s’intéresse dans ce pays aux problèmes de l’éducation. Celle des garçons plus précisément.

En effet on constate depuis quelques années que les petites filles réussissent en moyenne mieux scolairement que les petits garçons. Et cette inégalité insoutenable, contraire à la devise française, ne saurait perdurer. Il faut donc de toute urgence trouver des solutions et avant ça, trouver des responsables. Une fois n’est pas coutume, les responsables seront les femmes. Pas toutes (quoique), seulement les enseignantes. En effet, le postulat de départ de ces gens, c’est que si la réussite scolaire des garçons est en baisse (pas celle des filles en hausse hein), c’est la faute à la féminisation croissante de la profession d’enseignant.


Pas assez d’autorité, trop d’œstrogènes et de vernis à ongle, les garçons sont déstabilisés, ne se reconnaissent plus dans l’école. Celle-ci ne leur est plus adaptée. A eux et à leur virilité naissante qui ne peut plus librement s’exprimer dans cette étouffante atmosphère rose bonbon à l’odeur de violette qui imprègne nos salles de classe. 


Je trouve étonnant que ce qui occupe le débat médiatique soit une diminution des résultats scolaires des garçons quand on sait que de plus en plus d’enfants arrivent au collège sans maîtriser la lecture et que malgré ça on (enfin pas nous, le gouvernement) juge astucieux de supprimer des postes d’enseignants. Une autre chose qui me surprend c’est ce décalage entre l’analyse « asymétrique » (c’est le nouveau mot pour dire inégalitaire, c’est plus discret) qui est faite des difficultés scolaires selon qu’il s’agisse des filles ou des garçons. On sait par exemple que pendant longtemps, les filles avaient de plus grandes difficultés à réussir dans les matières techniques et scientifiques.

Normal, c’est la nature : du fait de la présence d’un utérus, les fillettes de huit ans sont moins capables que les garçons du même âge de manier les concepts abstraits et logiques nécessaires à la réussite dans ces matières. Leur goût pour les jolies choses les portait davantage à s’épanouir en littérature et en broderie.



La différence de la hiérarchie (ou la hiérarchie de la différence) n’était pas bouleversée, tout le monde était très heureux. Mais aujourd’hui que les filles semblent prendre toute leur place dans le système éducatif et réussir aussi bien voire mieux que les garçons y compris dans certains domaines dits masculins, branle bas de combat, tout le monde a quelque chose à dire sur la question. Comme il est inenvisageable de dire que si les filles réussissent mieux c’est qu’elles sont peut-être plus travailleuses,curieuses ou assidues, on s’insurge contre la féminisation de l’enseignement et on remet en cause la capacité des femmes à enseigner à ces êtres particuliers que sont les garçons.


A grands coups d’arguments qui sentent le réchauffé, on nous rappelle que les enfants ont besoin d’une référence masculine (pour bien comprendre comment marche le monde hein, et qui commande).
Et vu que ce sont les femmes qui s’occupent du lavage, torchage et autres joyeusetés appelées soins aux enfants, où vont-ils la trouver cette référence masculine si l’école est envahie par ces même femelles ?











Parce que, comme dirait l’autre, des femmes dans l’éducation nationale « quand il y en a une ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». Il est intéressant à cet égard de jeter un œil sur les conditions de la féminisation de la profession d’enseignant. Il est déjà intéressant de constater l’évolution du taux de féminisation en fonction du niveau d’enseignement. Certes les femmes représentent 93 % des enseignants en maternelle mais seulement 34 % des enseignants dans le supérieur. Plus le grade est élevé, plus la proportion de femmes est faible. Féminisation, certes mais pas n’importe laquelle, ce sont les métiers les moins valorisés et les moins rémunérés de l’éducation nationale qui concentrent le plus de femmes. Dans le secondaire et davantage dans le supérieur, les hommes, constituent la moitié voire les 2/3 des enseignants.

La féminisation de la profession d’enseignant  (s’)accompagne (d’)une dévalorisation du métier. Cette dévalorisation se traduit bien évidement en termes de salaires. En France par exemple le coût salarial d’un élève est inférieur de moitié à celui de l’Allemagne. Le nombre d’enfant par classe est également plus élevé en France que dans la majorité des pays de l’OCDE. Alors que dans tous les pays de l’OCDE les salaires de enseignants ont augmenté depuis 1995, la France fait figure d’exception (la fameuse exception culturelle française surement, celle qui fait aussi que chez nous une main au cul s’appelle séduction alors qu’ailleurs on la nomme harcèlement sexuel). En France donc, les salaires des enseignants n’ont pas augmenté, n’ont pas stagné, non ils ont diminué en 15 ans. Tant et si bien que le salaire des enseignants en France est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE (avant dernier pour être précise). De façon surprenante c’est précisément dans le primaire que cette diminution de salaire a été la plus marquée. Hasard, Gaspard ?

Pour résumer donc, l’enseignement – primaire notamment –  est un métier, mal payé, dont les hommes ne veulent plus, dévalorisé et dont on a dit aux femmes que, favorisant la fameuse conciliation, il était bon pour elles. Et maintenant, cerise qui fait déborder le vase, on vient leur reprocher les difficultés scolaires des garçons. Tant d’ingratitude !
Du coup, l’éducation nationale RECRUTE (avec le nombre de postes qu’ils suppriment on se demande comment ils arrivent encore à recruter) :

Des hommes qui sont ambitieux

Des femmes qui aiment le rose 

















Cela dit je tiens à rassurer tous ceux qui s’inquièteraient : non la progression du niveau scolaire des filles ne se traduit pas en termes d’égalité salariale ou de partage du travail domestique. Voilà qui devrait, je pense, rassurer nos patriarches et assimiléEs.  Ils n’osaient pas nous dire que c’était ça qui leur faisait peur.

Quant à Monsieur Taddei, j’ai la sympathie de lui suggérer d’autres sujets de discussions qui n’agitent pas autant le débat public :
-          Y-a-t-il trop de femmes dans l’aide à la personne ?
-          Y-a-t-il trop de noirs dans le ramassage d’ordure ?
-          Y-a-t-il trop d’hommes blancs à l’Assemblée Nationale ?
Si vous avez d’autres suggestions…


Marie

6 commentaires:

  1. Cet article est tragi-comique. Bien vu T_T

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  2. sympa l'article. Et oui ça affole les gens de savoir que les garçons sont nuls à l'école et que les filles excellent. En même temps on est formée, forgée pour rentrer dans le moule de l'éducation nationale, on ne peut qu s'y épanouir...
    Pour la fac c'est très vrai, bizarrement il y a beaucoup de mâles profs, même en histoire de l'art ou psycho qui ont des effectifs (90% en général voir plus) féminins...
    En même temps quand on voit une promo de M2 (DEA) uniquement féminine et qu'aucune n'arrive à la thèse, on sait pourquoi.....

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  3. Bonjour Marie,

    Merci d'avoir relevé et analysé ces énormités pour nous. Très pertinent, vraiment. Ca fait du bien par où ça passe.

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  4. On en louperait des belles sans toi Marie !
    C’est incroyable le nombre de conneries qu’on peut trouver dans les réponses de cette fameuse Natacha Polony à Atlantico (presse) qui, après lui avoir laissé déballer toute cette m… finit quand même par poser la bonne question : « Ce débat ne se repose-t-il pas sur les stéréotypes de la masculinité autoritaire et du féminin trop laxiste ? » Bien ! Bien sur elle détourne la question en évoquant la psychologie de nos propres enfants… Leur psychologie est en danger !
    Qu’on m’explique ce que ca veut dire. Moi pas comprendre.
    « Et il faut plus d'hommes pour que les petits garçons se construisent grâce à un modèle qui valorise le savoir. » Que doit-on entendre par là ?! Les femmes ne valorisent pas le savoir ?
    Gloups…

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  5. Merci !
    Non, les femmes, n'ayant aucune capacité à l'abstraction n'est ce pas, ne valorisent pas le savoir et ne poussent pas les petits (enfants) garçons à se dépasser c'est bien connu.

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  6. Y-a-t-il des études sur l'impact des jeux vidéos sur la scolarité ? Les garçons sont-ils plus touchés que les filles par la société du tout-tout-de-suite sans effort (sans réfléchir) que nous proposent ces merveilles Hi-Tech connectées en parmanence ?
    Cette référence historique, masculine, à l'autorité, dans les familles, la plupart du temps tombée et non remplacée, fait-elle défaut davantage aux garçons qu'aux filles ? Cette impuissance des enseignants, hommes autant que femmes, à exercer la moindre autorité dans leur classe sans risquer de se prendre, pour le moins, les foudres des parents, est-il plus dommageable aux garçons, du moins à ceux qu'il faudrait cadrer ?

    J'ai bientôt l'âge d'être grand-père. Dans ma classe, les moins bons élèves étaient tous des garçons. Dont moi.

    Bof

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