9 octobre 2011

Le pousse-au-crime

Saviez-vous qu’en argot, un pousse-au-crime était un mauvais vin fort en alcool ? Je l’ignorais… Dans le langage courant cependant, un pousse au crime est une attitude, un discours, un comportement ou encore une tenue qui l’encouragerait  ou le provoquerait (le crime)…Bref, qui pousserait au crime en fait.


Plus précisément l’expression « pousse-au-crime » désignerait, dans le domaine qui nous intéresse (les femmes en l’occurrence) tout comportement qui inciterait à la violence, l’insulte, l’agression ou encore au viol. Et les exemples sont foison : la mini-jupe provoquerait l’insulte, une ballade seule la nuit justifierait un viol, un décolleté plongeant pousserait au harcèlement sexuel, une attitude « revêche » serait la cause d’une claque… et ainsi de suite.


Qu’elle soit le sujet de blague entre potes, de remarques désobligeantes ou de conseils « avisés », le pousse-au-crime est une expression qui ne devrait même pas exister. Et qui ne sert en réalité à rien d’autre qu’à atténuer la responsabilité de l’auteur et à « euphémiser » l’acte commis. Rendre coupable celle qui est en l’occurrence la victime voilà quel est le sens réel d’une telle expression. Et ça marche. Ca marche au sein de leurs Mâles-institutions : aux yeux des flics quand ont veut porter plainte, aux yeux de la justice lors des procès, aux yeux des journalistes qui commentent ces « faits divers »,  tant et si bien qu’on en vient toujours à s’interroger pour savoir de qui est-ce la faute. Savoir si, finalement, elle ne l’avait pas « cherché ».  L’agression serait alors une punition dont il faudrait simplement déterminer si elle est ou non justifiée. Punition qui fait penser au viol que les lesbiennes subissent, « responsables » de ne pas coucher avec des hommes. Un viol « pour leur montrer ». Une claque « pour qu’elle se taise ». Une insulte « pour qu’elle rentre à la maison ». Conséquence ultime, nous en arrivons nous même à rechercher notre part de responsabilité dans les violences que nous subissons, nous  en arrivons aussi à laisser la peur influencer et décider de nos comportements et cela faisant, nous renonçons aux peu de libertés que nous avons chèrement conquises.

L’utilisation de l’expression « pousse-au-crime » revient à chercher des excuses et des justifications à des comportements qui ne peuvent en avoir. Il n’y a pas de pousse-au-crime donc. Ce qu’il y a en revanche c’est une société sexiste qui fournit allègrement excuses et justifications aux hommes commettant des violences contre les femmes.  Une société qui nous refuse tout contrôle sur nos corps et qui nous en dépossède. Une société qui veut faire de nous les coupables, alors que nous sommes les victimes. Ce qui revient à nier qu’il des oppresseurs et des oppriméEs. Face à ça nous ne nous soumettront pas, nous nous battront pour que cela cesse. Et pour commencer, nous le disons bien fort, en articulant (pour celles et ceux qui auraient des difficultés d’écoute ou de compréhension) : aucune attitude quelle qu’elle soit, aucune tenue quelle qu’elle soit, aucune parole quelle qu’elle soit ne constitue un pousse-au-crime. Dans une société débarrassée du sexisme une femme pourrait bien se balader les seins à l’air sans que cela ne puisse constituer une incitation ou une justification du viol. J’ai d’ailleurs moi-même croisé plusieurs hommes torse-nu sans jamais les forcer à avoir des relations sexuelles avec moi.

Seulement, pour le faire entendre il faut déjà s’en convaincre soit même, sortir de la culpabilité et affirmer que rien ne saurait justifier les violences que nous subissons.

Marie.

Article publié initialement dans le numéro 3 du magazine "Les Poupées en Pantalon". 
Numéro 4 à paraître prochainement





3 commentaires:

  1. Ça me fait penser à l'expression "se faire violer", utilisée majoritairement.
    Ça veut bien dire autre chose que "j'ai été violée", n'est ce pas?

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  2. Les Poupées en Pantalon9 octobre 2011 à 23:50

    Ces quelques mots en disent tellement long... Il est intéressant (et désespérant) de repérer dans les discours médiatisés des un-e-s et des autres qui utilise quelle expression.

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  3. Je crois bien qu'il est interdit de se balader torse nu d'ailleurs.
    Ouais c'est pas le sujet mais bon

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